sour suite, Hip Hop Section (FR)

Et un canadien, un de plus. Et même si celui ne sort pas de la scène d’Halifax, son approche, elle, ressemble dangereusement à celle des Sebutones (Buck 65 et Sixtoo) ou autres The Goods (Kunga219 et Gordski). Soso, lui arrive directement de Saskatoon, dans le Saskatchewan, une province pas spécialement connue pour sa scène hip hop. Pour la bonne raison, sans doute, que Sour Suite, comme les œuvres des artistes mentionnés plus tôt, ne correspond pas trop à l’imagerie rap. Pourtant, tous les éléments habituels au genre s’y retrouvent : le type en question rappe sur des beats lourds, heurtés et insistants, agrémentés de samples et de quelques scratches discrets, qu’il produit également. Mais le tout, et cela fait la différence, avec une précision et un dépouillement relativement rares, et une mélancolie plus qu’annoncée par le titre du EP.

Bon. Il faut tout de même avouer que nos oreilles se sont habituées à cette approche singulière du hip hop depuis que Vertex a surgi dans nos vies, et les arguments de Soso pour se distinguer sont relativement rares. Voire même malvenus. Par exemple, le presque instrumental ‘Dust’, qui s’étire lentement le long d’une flûte erratique, n’apporte pas grand chose, nonobstant la volonté un peu forcée de s’élever au-delà des tracas de ce monde tumultueux. Les thèmes et la façon dont ils sont traités, sans sombrer dans les clichés du rap conscient, ne sont pas quant à eux sans évoquer la gravité du rap chrétien (‘Blessed’ est un hommage de Soso et de son collègue Epic à la figure paternelle : “I’m blessed, I always had a father”, ‘Drink’ une réflexion sur les vertus réelles ou supposées de l’alcool). Bref, tout cela, vu de loin, a de quoi laisser circonspect.
Reste tout de même que Soso traite de ses thèmes avec intelligence, personnalité et sans ostentation, et que l’ensemble de Sour Suite vaut amplement le détour. Et tout particulièrement une petite merveille, ‘Drink’, simple alliance d’une guitare acoustique, d’un beat minimal, de trois notes de basse et de quelques scratches le long de laquelle Soso et un certain John Smith (chouette nom de MC, ça, John Smith) racontent leur rapport à l’alcool. Les autres titres valent également leur pesant : ‘Untitled (Paralysis)’ et son beat lourd, le phrasé clair et l’élocution distincte de Soso constituent une déclaration d’intention et une entrée en matière de choix ; le piano qui habille ‘Blessed’ (jamais 50 instruments sur les compositions du rappeur) est plus que suffisant ; ‘Swan Song’ et ses plusieurs mouvements (dont un, le premier, parcouru du sample déjà utilisé par Aesop Rock sur ‘Commencement at the Obedience Academy’, sur Float) s’avère plus que digeste.

De fait. Sour Suite n’est pas une arnaque, un nouveau produit dispensable de cette vague de art fags qui envahissent le hip hop, ces derniers temps. Ou tout du moins, il n’est pas seulement cela, malgré quelques faux pas, comme ‘Dust’ ou un langoureux ‘Loss’ qui tarde un peu trop à faire del’effet. Le EP dévoile véritablement quelques charmes au fil des écoutes, même si l’auditeur moyen croit rapidement avoir fait le tour de ce son squelettique. Il est en effet tentant de jouer les blasés face à cette musique, dont les meilleurs représentants sont désormais clairement identifiés. Mais il est également hasardeux de classer Soso dans la deuxième division de ce genre de hip hop. Sour Suite n’est rien qu’un premier EP, et des titres comme ‘Drink’ augurent du meilleur. Probablement.

Sylv, mars 2001
HipHopSection.com